Un hymne à la parentalité que ces deux couplets de Médine. L’heureux quarantenaire, père de famille, offre un texte lourd et pessimiste au premier abord. L’instru signée Denza est sobre, piano lo-fi, 808 et des rythmiques soft-drill. Tout ceci vient renforcer la désillusion du parolier quant à l’avenir des enfants.
La grille d’accords offre une originalité : le premier accord est renversé, la plupart du temps (notez le « /C » qui donne une impression d’inachevé au cours du morceau, jusqu’à la fin).
Fm/C Bbm C
ou bien
Fm/C Bbm/Db C
La mélodie ne nous offre pas des prouesses incroyables, avec une poignée de notes servant de support à l’autotune, devenu indispensable dans la plupart des branches du hip-hop.
L’usage de la grosse caisse joue à l’extrême économie. Là où souvent le kick donne l’atmosphère générale de la chanson, celle-ci est sporadique, laissant le plus de place possible à la basse (de type 808, du nom d’une célèbre boite à rythmes Roland des années 1980 dont on tordait le son de grosse caisse pour en faire une basse) et surtout au piano omniprésent.
L’analyse musicale ne nous menant pas beaucoup plus loin, passons aux paroles.
Le monde part à la dérive
Le premier couplet part fort avec cette double punchline :
Tout le monde veut sauver la planète
Mais personne ne veut descendre les poubellesPlus leurs téléphones sont intelligents
Et plus les gens sont de plus en plus cons
Médine ne voit pas de réelle solution à l’avancée funeste de notre monde du chacun pour soi, de la bêtise ambiante et des fléaux planétaires.
Face à cette débâcle (je vous l’ai dit, la chanson est déprimante), comment réagir avec nos enfants ? C’est la question que pose le rappeur havrais dans la suite du texte.
Cacher l’horreur
J’veux pas qu’mes gosses connaissent ce monde.
Le pari pris semble être de vouloir protéger nos têtes blondes de tout ce qui peut les décourager ou les briser (comme des lettres d’insultes, aussi visibles dans le clip).
Du coup, tout devient un jeu, « comme dans La vie est belle d’Roberto Benigni », mentionné en exemple dans le deuxième couplet.
Être éborgné par un tir de flashball devient pour les enfants « avoir joué au pirate ». Aller en prison devient pour eux « être gardien dans un parc ».
Certains y verraient une raison pour ne plus avoir d’enfants dans ce monde. Pour ne pas les exposer à un futur plus qu’incertain. Ce n’est pas le cas du rappeur, qui est père de trois enfants et dont la famille algéro-laotienne semble respirer la joie de vivre.
Un clip joyeux et innocent
C’est ce qu’on ressent dans le visionnage du clip associé à la chanson : une vie de famille joviale, complice et épanouie. La vidéo met en scène le rappeur, son épouse (Cheez Nan sur les réseaux sociaux) et leurs trois enfants Massoud, Mekka et Genghis.
On y joue aux ombres chinoises, à la lampe de poche, on fait de la peinture, et la chasse au papillon… On se croirait dans une pub pour du Nutella, et quelque part, ça fait du bien d’y voir une famille heureuse.
Seulement voilà : s’agit-il là d’un décor monté de toute pièce ? Peut-on vivre ainsi avec ses enfants tout en leur masquant l’horreur de ce monde ? La finale du clip montre Médine s’éloignant de la maison, l’air sombre, laissant sa famille à l’intérieur. Cette théâtralisation de La vie est belle en devient tout à coup bien triste.
Construire ou réparer ?
C’est la question posée par le refrain : vaut-il mieux
Construire des enfants forts
Que de réparer les adultes cassés [?]
Les deux choses sont très importantes, et ne nous sentons pas obligés de choisir entre l’une ou l’autre.
Construire des enfants forts, c’est leur transmettre qui nous sommes, et comment nous appréhendons la vie. Dans cette chanson, c’est par le jeu, symbole de l’insouciance, qui est nécessaire dans la vie de tout enfant. En cherchant trop vite à confronter l’enfant avec la réalité, nous brisons ce capital d’insouciance qui lui est précieux pour se bâtir.
Ceux qui connaissent les enseignements de Dieu cherchent aussi à construire leurs enfants avec les choses qu’ils vivent eux-mêmes :
Tu les répèteras à tes enfants ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi ou quand tu seras en route, quand tu te coucheras ou quand tu te lèveras.
Deutéronome 6.7
Ce n’est pas qu’un discours occasionnel, c’est une transmission ancrée dans la vie de tous les jours.
Malgré tout, on ne peut pas faire que jouer dans la vie. Il faut aussi affronter la difficulté, et réparer ce qui peut l’être.
La Bible nous montre un Dieu qui se plait à réparer !
L’Éternel rebâtit Jérusalem, Il rassemble les exilés d’Israël;
Psaumes 147.2-3
Il guérit ceux qui ont le cœur brisé,
Et il panse leurs blessures.
Même si nous ne parvenons pas à construire des enfants forts, il reste la grâce de savoir que Dieu désire réparer les adultes cassés !