Chut, Charlotte !Serge Gainsbourg – Shush Shush Charlotte

Cette petite délicatesse de Serge Gainsbourg à l’égard de sa fille s’écoute rapidement, sous son bercement jamaïcain de 1981. Le deuxième album de reggae de l’homme à la tête de chou propose 12 titres variables, dont les textes semblent bien écrits à la va-vite, probablement comme le premier (le plus connu Aux armes, et cætera, 1979).

C’est après vingt ans de carrière et un impact commercial limité que Serge se lance dans le reggae suite à une suggestion de son producteur.

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Shush shush Charlotte (en français, Chut, chut, Charlotte) est une chanson dans laquelle Serge parle à sa fille Charlotte, née en 1971, qui avait donc 10 ans lorsqu’est sorti ce titre.

Il existe un film d’épouvante nommé Hush, hush, sweet Charlotte (1964), dont Serge Gainsbourg avait problablement eu connaissance, et qui lui a a inspiré ce titre avec cette allitération en -ch-, répété plus de 30 fois, entourant les quatre couplets.

Je ne saisis pas toutes les nuances entre hush et shush, mais les deux signifient bien « chut ! ».

Reggae conventionnel et répétitif

Le musicien, né en 1928, a fait appel aux meilleurs musiciens reggae du moment, en allant à Kingston pour enregistrer cet album. Ce sont les trois choristes de Bob Marley (dont Rita Marley, sa femme), nommées les I-Threes, qui scandent le refrain à trois voix.

Alors qu’on pense souvent d’abord aux cuivres pour rythmer le reggae, on oublie parfois que le roots est souvent basé sur de solides chœurs féminins.

À l’instant de nos vies qui passent (nous reviendrons à ce thème un peu plus tard), la chanson peut paraitre répétitive. Trois accords très simples, une rythmique et une orchestration qui ne bougent pas, mais qui pourtant passent assez vite (2’45 en tout).

La version « dub » accentue encore ce phénomène. (Serge Gainsbourg a réédité grand nombre des ses chansons en dub, c’est-à-dire du reggae 4-on-the-floor avec des chambres d’écho qui résonnent).

Charlotte

La chanson est produite au moment de la séparation du chanteur parisien de Jane Birkin, mère de Charlotte.

Alors que les chansons de Serge Gainsbourg misent très souvent sur la provocation, les doubles sens suggestifs, la provocation indécente, voire des textes carrément explicites, ce texte ne contient aucune vulgarité, mais exprime un amour tendre pour sa fille.

Charlotte est celle que son père a vu grandir. Pourtant, l’actrice aujourd’hui âgée de 54 ans témoigne du fait qu’elle a toujours été pour l’entourage de ses parents « la petite Charlotte » (et pourtant, elle pouvait avoir déjà 30 ans !) Cela rappelle à tous les parents que leurs enfants grandissent, qu’ils le veuillent ou non !

Les quatres strophes de la chanson évoquent quatre époques de la croissance de Charlotte :

  • son tout jeune âge : ses premiers pas (elle rampe comme un crocodile), et ses pleurs après un pipi dans la culotte (glandes lacrymales… de crocodile ?)
  • son enfance : elle est une « petite charlotte aux pommes », qui va à l’école après avoir mangé ses céréales
  • ses défauts d’adulte en devenir : comme son papa, elle aime l’argent, dire des gros mots… l’exemple pas toujours bon des parents devant leurs enfants, qui reproduisent bien plus qu’on l’imagine !
  • le jour où elle devra pleurer la mort de son papa : et justement, il « ne veut pas qu’[elle] sanglote ce jour-là ! »

Charlotte Gainsbourg témoignera de sa difficulté, en 1991 lors du décès de son père, à justement faire son deuil. Car ce deuil, c’était aussi celui de nombreux français qui ont pleuré son départ « à sa place ».

Rimes pas toujours très subtiles

Pour le virtuose des mots, il faut reconnaitre que les rimes ne sont pas toujours très subtiles dans cette chanson. Pour la rime avec Charlotte, on a des mots comme polyglotte, culotte, antidote, bank-notes. Mais on comprend bien le sens.

Le dernier départ

Attardons-nous encore sur la quatrième strophe, qui évoque la mort :

Sais-tu, ma petite fille ?
Pour la vie, il n’est pas d’antidote
Celui qui est aux manettes, à la régie finale
Une nuit me rappellera dans les étoiles
Ce jour-là, je ne veux pas qu’tu sanglotes

Serge Gainsbourg, d’origine juive ukrainienne, a probablement encore en tête l’idée d’un Dieu souverain, qui contrôle la vie et la mort des êtres humains, celui qui opère à la « régie finale ». Même si c’est une vue réductrice de Dieu (il n’est pas simplement un être qui joue avec ses manettes), ce n’en est pas moins confirmé par la Bible :

L’Éternel fait mourir et il fait vivre.
Il fait descendre au séjour des morts et il en fait remonter.
— 1 Samuel 2:6

Mais contrairement à ce qu’affirme la chanson (« pour la vie, il n’est pas d’antidote »), nous ne sommes pas résignés à attendre que la mort arrive (ou que « la manette » s’enclenche). Nous pouvons nous préparer à y faire face, en mettant nos vies en règle avec Dieu, comme y encourage un prophète de l’Ancien Testament :

Prépare-toi à la rencontre de ton Dieu, Ô Israël!
— Amos 4:12

Bonne nouvelle, Dieu se laisse rencontrer !

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