Le jeu de la vieAbba – The Winner takes it all

Cette ballade pop est le titre phare de l’album Super Trouper (1980) annonçant bientôt la fin du quatuor suédois (avant un dernier album l’année suivante, sans parler de leur retour en qualité de grands-parents avec le disque Voyage en 2021).

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Rupture

La fin, c’est le thème de la chanson. Et la fin est douloureuse puisqu’elle décrit celle du mariage entre deux membres du groupe, Björn le chevelu et Agneta la blonde. Après 8 ans de mariage, la presse fait ses choux gras avec la séparation de ces deux stars de la musique, sur laquelle nous reviendrons après avoir décortiqué quelques éléments musicaux.

Gimmick et septième

Un stéréo de deux pianos vient inaugurer les festivités, avec la grille d’accords du refrain, qui introduit le gimmick qui retient notre attention tout au long de la chanson : 4 croches pointées qui rythment chaque phrase. (Écoutez par exemple la fin de la chanson, où les chœurs chantent à tue-tête le même rythme.) Simple, efficace.

Ce gimmick vient même pimenter le deuxième accord du couplet (ré/fa♯) en y ajoutant un do♯, offrant un effet joliment suspendu, avant d’enchainer sur le plus sobre – mais néanmoins profond – la mineur.

Le couplet, plutôt grave, laisse place au refrain plus envolé et donne à la voix claire d’Agneta l’occasion de graver la mélodie sur un fond soft-disco.

La mélodie de ce refrain dessine elle-même la rupture, au travers d’un intervalle scabreux : la septième ascendante. Comptez la septième note, et vous y voilà. Ça donne :

ré-ré ↗️ do-do-si-si
si-si ↗️ la-la-sol-sol
mi-mi ↗️ ré-ré-do-do…

Ce saut ↗️ dans la mélodie fait dire aux notes que ce qui était auparavant uni (deux notes de la même hauteur) est désormais séparé. Et esthétiquement parlant, ça appuie avec élégance les accords de septième qui donnent leur charme au titre.

Pour le reste, la générosité des back-vocals des 3 autres membres du groupe remplissent l’espace avec les cordes arrangées plutôt simplement, et fournissent un titre harmoniquement complet.

Le mythe du win-win

Le divorce d’Agneta Fältskog et de Björn Ulvaeus ne s’est pas passé dans la sérénité. Ce n’est pas non plus très clair si la chanson parler réellement de leur séparation ou non, mais la chanson traduit dans tous les cas la souffrance de la séparation et mettant en scène un gagnant et un perdant.

Alors que deux êtres s’aimaient, c’est à présent au passé. Alors que l’amour pilotait la relation, ce sont maintenant les juges qui sont aux commandes. Même s’ils désirent malgré tout se respecter, la tension est forte dans ces lignes écrites par Björn et Benny d’Abba.

La métaphore filée tout au long du texte, c’est celle du jeu. Chacun joue ses cartes, et au final, l’issue de la partie désigne implacablement un gagnant et un perdant. (Une traduction française, interprétée par Mireille Matthieu en 1980, le rend de façon plus claire, mais certes un peu moins subtile : « Bravo, tu as gagné, et moi j’ai tout perdu. »)

L’un gagne et rafle la mise, alors que le perdant s’enfonce. Ceci est génialement mis en scène dans un épisode de la série Better Call Saul, où cette chanson interprétée dans un karaoké par les deux frères montre le moment décisif où l’un des deux va prendre clairement le dessus sur l’autre.

« Pile, je gagne, face tu perds. » Mais nous savons que ce n’est pas si simple. À propos de sa rupture avec Agneta, Björn déclarera :

Il n’y a eu aucun gagnant entre nous deux. Traverser un divorce est difficile pour tout le monde.

(traduction libre)

En réalité, il y a plutôt deux perdants.

Les dieux en restent insensibles

Et même les dieux s’en mêlent : le destin des êtres humains ressemble à un insensible jet de dés depuis le ciel.

The gods may throw the dice
Their minds as cold as ice
And someone way down here
Loses someone dear

Alors que la souffrance déchire et sépare les êtres humains, comment les dieux peuvent-ils y rester insensibles ?

Cette question est celle qui hante autant les croyants que les non-croyants depuis des millénaires.

La vie ressemble-t-elle à un simple « jeu » entre les humains, déterminé par les choses « qui doivent arriver » ? Tout est-il inéluctable ?

Un perdant, des gagnants

La Bible nous présente un tableau plus contrasté qu’un karma inscrit dans le marbre. Dieu laisse chacun libre de ses actions, qui ont des conséquences. Non, la vie n’est pas qu’un jeu dont ses créateurs auraient déterminé par avance qui seront les gagnants et les perdants.

Le gagnant, dans le langage biblique, est celui qui est heureux. C’est celui qui a trouvé l’amour du plus grand perdant de l’histoire, Jésus le Messie, qui a pris sur lui le mal, la souffrance, la culpabilité, les divorces, les amours incomplets ou imparfaits, la haine de soi et de l’autre, le désir de le dominer… Ce grand perdant, lui-même devenu par là-même le plus grand gagnant (c’est là le renversement de l’Évangile), nous fait nous-mêmes tout gagner en Christ, et éviter la descente aux enfers.

The winner takes it all. The loser has to fall.

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