“How Come, How Long” pourrait se traduire en français : « Comment ça ? Combien de temps ça va encore durer ? » C’est une chanson qui traite du sujet des violences conjugales. L’histoire d’une jeune fille sans histoire qui a choisi « le mauvais genre d’homme » et dont l’histoire se termine tragiquement.
Un fait divers a inspiré cette histoire : le footballeur (américain) O.J. Simpson a assassiné en 1994 son ex-femme, suite d’une longue suite de violences conjugales.
Babyface a pris sa plume pour écrire avec Stevie Wonder pour défendre toutes les victimes de violences dans le couple. Dans ce titre interpelant, produit par Timbaland, ils invitent chacun à essayer de réagir avant qu’il ne soit trop tard.
Ballade soul
Babyface, de son vrai nom Kenneth Edmonds, est un artiste aux nombreuses récompenses. Il a notamment participé à l’essor de la « New Jack », prémices du rapprochement entre le hip-hop et la RnB. On peut penser à TLC, Montell Jordan, Ushar ou Janet Jackson qui ont été dans la même veine.
Mais ce titre n’a rien de RnB, mais est plutôt soul. C’est une ballade dans laquelle on entend de vrais instruments : batterie, piano électrique, chœurs discrètement dosés.
Les deux points forts musicaux du titre se trouvent dans la deuxième partie de l’œuvre : solo d’harmonica de Stevie Wonder, presque aussi éloquant qu’un solo de guitare, suivi d’un bridge plus puissant dans lequel les guitares électriques soutiennent l’accusation sans appel, à deux voix, de tous les hommes qu’il est difficile d’appeler des hommes :
How can someone like this call themselves a man?
(He’s not a man)
’Cause in reality he’s far more less than
Majeur-mineur
Il y a deux tonalités dans la chanson : Mi majeur et Mi mineur.
- le mode mineur porte la tristesse de la cause, et le désarroi devant la thématique pesante.
- le mode majeur nous transporte vers l’espoir, et une solution collective proposée comme réponse aux violences conjugales.
Observons comment ces changements sont apportés. À chaque fois, on utilise la dominante (c’est-à-dire le degré 5), qui est commune aux tonalités majeures.
- Mi mineur → […] → Si majeur → Mi majeur
- Mi majeur → […] → Si majeur → Mi mineur
Mais pour que cela soit plus joli, les compositeurs distribuent quelques teasers :
- Mi mineur → La majeur → Si majeur → Mi majeur.
Cet accord de La majeur est étranger au Mi mineur (ce serait le plus logiquement un La mineur qu’on attendrait), et nous pré-installe dans le mode majeur qui arrive. - Mi majeur → […] → Si majeur augmenté → Mi mineur.
Le Si majeur augmenté transforme sa quinte (fa♯) en quinte augmentée (fa♯♯ = sol). Et ce sol nous fait penser immédiatement… au Mi mineur qui arrive.
Deux voix complémentaires
Babyface (surnommé ainsi par Bootsy Collins) et Stevie Wonder se complètent à merveille pour interpréter ce titre, avec de belles prouesses vocales. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce sont deux hommes qui chantent, pour dénoncer la violence à l’égard des femmes. La charge n’en est que plus massive pour dire qu’il y a trop de voix qui, justement, se taisent face à ce phénomène.
It’s not right, it’s so wrong
(Belle phrase, qui transforme it’s not wrong par it’s so wrong)
Le clip vidéo met en scène plusieurs voisins qui sont conscients de la situation dramatique et potentiellement dangereuse du couple de leur immeuble. Mais aucun d’eux n’a le courage d’aller leur dire quelque chose.
L’appel est donc lancé pour ajouter notre voix à ceux qui réagissent :
Do we let it just go on?
Turn our backs and carry on?
Est-ce qu’on laisse juste faire ?
On tourne le dos et on poursuit sa route ?
Stevie Wonder, aveugle, ose terminer avec ce cri du cœur :
Open up your heart as well as your eyes
Ouvrez votre cœur, tout comme vos yeux !
Retournement
Plusieurs paroles de la chanson nous font comprendre que la femme a été la victime de son homme-bourreau.
Or, la version clip vidéo propose un autre retournement : après le silence lâche de tous ses voisins, la femme maltraitée fait ses valises, mais se retrouve piégée par son mari. Le coup de feu part, mais c’est la femme qui a tiré et qui tue son mari. Pour montrer jusqu’où peut aller le cycle de la violence. Et qui amène l’idée que la porte de sortie d’un tel drame peut être extrêmement tragique.
Tout abus est un crime
’Cause any kind of abuse God knows is a crime
Il n’est nullement question de cautionner aucun abus d’aucune sorte. Et, comme le dit cette dernière phrase du refrain, « Dieu connait ». Il voit les agissements des hommes. Il voit même ce que les autres ne voient pas, à l’intérieur des appartements, des couples, des familles.
Parce que les malheureux sont opprimés
Psaume 12.6
et que les pauvres gémissent,
moi, dit l’Éternel, je me lève,
Je porte secours à ceux qu’on écarte d’un revers de main.
Quelle plus belle assurance que cette promesse ?