Aout 2001 : le groupe Black Eyed Peas, réduit à un trio masculin, débute l’enregistrement de son troisième album en Californie. Septembre 2001 : Will.i.am, apl.de.ap et Taboo sont choqués (comme la planète entière) par le 11-Septembre. Cela influencera leurs compositions sur cet album, et leur causera beaucoup d’anxiété, ou d’angoisse (le terme anglais recouvre les deux sens).
Cet album est une pièce maitresse du groupe hip-hop étasunien The Black Eyed Peas (encore avec l’article à l’époque). Elephunk fait partie de ces albums indémodables, au son lourd et puissant. Il incorpore plusieurs styles annexes, du dancehall, de la musique latine, du funk, du R&B, et ici, du metal, avec les musiciens du groupe californien Papa Roach.
Du riff lourd
La base du rock metal, c’est de trouver un bon riff. Comprenez une courte phrase musicale, à la guitare électrique saturée, qui remplit tout ou partie de la mesure.
Le riff dans les couplets commence par deux croches sur la tonique (la note de base de l’accord en cours). Cela permet à la basse et à la grosse caisse (toujours très amies, elles vont de pair) d’appuyer avec la guitare ces deux croches, puis de se retirer pour laisser s’exprimer la guitare, jouée par le bassiste (!) de Papa Roach, Tobin Esperance.
Ce riff s’arrête dans la deuxième partie des couplets pour laisser la place à d’autres instruments plus en arrière-plan : l’orgue, et le piano (2ᵉ couplet).
Encore un petit mot sur un riff alternatif présent sur le pré-refrain :
- Ça commence par une phrase de guitare qui s’envole, à gauche dans la stéréo.
- Ça continue par la même phrase à droite, mais jouée à la tierce au-dessus.
J’aime ce pré-refrain, qui nous amène au refrain, laissant s’exprimer la voix rock de Jacoby Shaddix, très énergique, mais en même temps suppliante, comme une prière ; nous y reviendrons un peu plus tard.
Perte de contrôle
Que peut causer l’angoisse dans un être humain ? C’est le thème des paroles de cette chanson, comment elle peut paralyser quelqu’un.
L’anxiété est cette émotion qui fait clairement perdre le contrôle, et ceci peut conduire l’être humain dans trois directions : le débordement, la dépression et la résolution.
Le débordement
Submergé par ces sentiments d’angoisse, on peut être conduit à l’agressivitié et à la violence.
Les anxiétés défoncent mes pensées
Elles terrorisent mon âme comme Ben Laden
(Rappel, nous sommes en post 11-Septembre.)
J’ai envie de frapper quelqu’un
Mon sang est en ébullition, comme du propane
Ce débordement peut parfois donner tellement d’assurance qu’on n’a plus peur de rien. C’est ainsi que le pré-refrain s’exprime :
Je n’ai peur d’aucun de mes ennemis
Je ne crains aucune balle de Uzi (pistolet-mitrailleur de guerre)
J’ai eu à faire avec des choses bien pires,
qui vous mettent à genoux,
et ça, c’est… l’anxiété.
La dépression
Le deuxième couplet de apl.de.ap montre que l’angoisse peut plonger le sujet dans l’impasse :
Dans toute direction, c’est l’impasse pour moi
Ce sentiment me plombe,
je ne peux plus avancer,
Genoux à terre.
Le piano qui s’insère discrètement dans ce couplet montre très bien le désespoir induit par l’anxiété !
La résolution
Mais ce qui ressort plus fort encore est le désir de ne pas se laisser envahir par les sentiments d’anxiété. (Notons au passage l’extraordinaire texte allitéré en /eɪn/ de will.i.am.)
Je ne veux pas chuter
Je ne veux pas perdre contrôle
Je ne veux pas céder
(Et à chaque fois, les chœurs répondent « No no no! », comme un encouragement à tenir bon.)
Mais ce qui frappe le plus dans cette chanson est la « prière » du refrain.
Seigneur, éloigne de moi mon angoisse
Lord, please, please, please
Take away my anxiety
Le secours inébranlable en cas de détresse, même de détresse profonde. S’adresser au ciel. S’adresser à Dieu, qui peut tout comprendre, tout soigner et tout guérir, même les maux psychiques les plus profonds.
Je ne sais pas si Papa Roach ou les Black Eyed Peas connaissent personnellement le Dieu auquel ils font appel dans le refrain.
Cette prière ressemble étrangement à celle prononcée par Jésus-Christ, dans un jardin, à la veille de sa mort. Alors que l’angoisse le submerge, il fait la même prière à son Père dans le ciel.
Mon âme est triste jusqu’à la mort; restez ici, et veillez.
Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta contre terre, et pria que, s’il était possible, cette heure s’éloignât de lui.
Il disait: Abba, Père, toutes choses te sont possibles, éloigne de moi cette coupe !
Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux.
Espoir en fa majeur
L’espoir subsiste, même dans les sentiments les plus sombres, en acceptant la volonté de Dieu, signe d’espoir pour tous les croyants.
D’ailleurs, dans l’album Elephunk, il y a une transition très subtile entre ce titre n° 12 et le suivant, le n° 13, Where Is The Love, avec Justin Timberlake.
Notre chanson se termine sur un la (appartenant à la tonalité la mineur), et ce même la se fond dans un fa majeur, introduction du tube écrit avec Justin Timberlake qui amène un tout petit peu l’espoir.
