Bien compter nos joursJim Croce – Time in a Bottle

J’ai découvert ce titre il y a quelques années sur la bande originale de – c’est le moment des confessions – Fast and Furious / Hobbs & Shaw (2019), interprété par le jeune rockeur Yungblud. Les harmonies délicates de cette ballade m’avaient séduit.
Ce n’est que récemment que j’ai découvert qu’il s’agissait d’une chanson écrite presque 50 ans plus tôt par Jim Croce (prononcez Cro-tchi).

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(Pas de clip, nous sommes en 1973 !)

Nous reviendrons à Yungblud un peu plus tard, mais concentrons-nous sur la version originale.

Une suite d’accords descendante

Dm      Dm/C#   Dm/C    G/B
Gm/Bb           A7b9

On remarque immédiatement cette descente chromatique à la basse (même s’il n’y a pas de guitare basse dans l’original, c’est la guitare qui l’appuie).
Vous l’avez remarqué vous-mêmes : ré – do♯ – do – si – si♭ – la…

C’est la même descente que dans Stairway to Heaven (Led Zeppelin) par exemple, ou dans beaucoup d’autres chansons ; cet enchainement harmonique installe une tonalité mineure profondément ancrée, tout en modulant quelques notes (des ♯ deviennent ♮, des ♮ deviennent ♭) pour chatouiller nos oreilles et rester dans l’ambiance.

Une version majeure de cette descente se trouve d’ailleurs sur le refrain, et couvre pratiquement toute la gamme descendante :

D       F♯m/C#  Bm      D/A
G       D/F♯    Em      A7

Mineur et majeur

Pour ceux qui auraient encore un peu de peine à discerner entre majeur et mineur, le titre est un cas d’école : les couplets sont en mineur, et les refrains en majeur.

Avant chaque basculement, l’accord de dominante (degré V) sert de transition, puisque cet accord est en général le même, suivant qu’on retourne vers la tonique (degré I) mineure ou majeure. (À l’exception de la variante « 7♭9 » qu’on ne retrouve qu’avant l’accord mineur).

L’orchestration

Ce sont les cordes pincées qui sont à l’honneur : 2 ou 3 guitares acoustiques en stéréo et une cithare ou apparenté. Ce qui frappe l’oreille est cette délicieuse montée-descente en sixtes sur les deux dernières mesures de la grille.

La simplicité de la voix, posée au centre de ces cordes, donne au morceau l’esthétisme simple et apuré dont a besoin cette chanson, assez courte (trois couplets, un refrain, pas de pont, d’interlude), écrite par l’auteur-compositeur-interprète américain Jim Croce, né en 1943.

Le temps qui passe

Ce généreux moustachu souriant apprend de son épouse Ingrid qu’ils attendent un enfant. Jim est bouleversé et tout heureux de cette nouvelle. Et prend tout à coup conscience du temps qui passe, du haut de ses 27 ans.

De façon poétique, les paroles nous parlent de ces instants qui passent tous trop vite, et des priorités que l’on souhait mettre pour ceux qui nous aiment.

Malgré l’ambigüité du you (pour savoir s’il désigne son épouse ou son enfant à naitre), c’est cette deuxième personne qui oriente les pensées du parolier.

Si je pouvais stocker du temps dans une bouteille !
La première chose que je ferais serait de
Mettre chaque jour de côté, jusqu’à ce que passe l’éternité,
Pour le passer avec toi.

Traduction libre

Après ce premier couplet, un autre dit à peu près la même chose : chaque jour est un trésor, qu’on aimerait si possible passer avec les gens que l’on aime.

Le refrain (en majeur !) nous ramène à la réalité : même si on pouvait le stocker dans une bouteille, le temps resterait toujours limité ; on ne peut pas tout faire ! S’ensuit le troisième couplet, moins rêveur celui-là, mais d’une grande émotion. Je vous laisse le découvrir.

La vie est trop courte

Malheureusement, Jim Croce donnera une tragique illustration de cette réalité en perdant la vie, à l’âge de 30 ans, dans un accident d’avion le 20 septembre 1973.

Son fils, Adrian James, est privé de père à l’âge de deux ans. Il gardera de lui ce talent pour la musique en devant chanteur à son tour, sans être épargné lui non plus par les épreuves de la vie.

Il est un autre poème dans la Bible, le n° 90, qui conseille à tous ses lecteurs de bien compter ses jours.

Les jours de nos années s’élèvent à 70 ans,
Et, pour les plus robustes, à 80 ans;
Et l’orgueil qu’ils en tirent n’est que peine et misère,
Car il passe vite, et nous nous envolons.

Enseigne-nous à bien compter nos jours,
Afin que nous appliquions notre coeur à la sagesse.

Psaume 90.10-12

L’épouse de Jim recevra quelques jours plus tard une lettre de son défunt mari, qui disait : « Ce sont les 60 premières années qui comptent ; j’en ai encore 30 à vivre. »

Que ce soit 30 ans, 60 ans ou 80 ans, ré-apprenons tous la valeur de chaque jour que Dieu nous donne pour la mettre au profit du meilleur !

Les reprises

Un dernier mot sur les reprises de cette chanson : elles sont légion ! Parmi elles, la plupart essaient de reproduire la même émotion que dans l’originale, sans réelle valeur ajoutée.

Passons à côté de la version des Markleys, qui ont massacré le 3/4 en en faisant une vague version binaire.

Signalons la version de Forestella, quatuor vocal coréen, qui ajoute quelque chose de très agréable avec les harmonies vocales ; l’ensemble s’emballe à la fin, contrairement à l’original.

Et enfin, Yungblud, qui a repris cette chanson en l’entourant de tout un arsenal de sirènes et de riff de guitares.

Il joue très bien avec les différentes parties du morceau (reprenant notamment le refrain en majeur au piano, ajoutant une partie intermédiaire rock, en convertissant temporairement le 3/4 en 2/2). La finale en solo à la Brian May est une réussite.

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