Quand on est tout seulBurna Boy – Alone

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Ce titre de Burna Boy est un extrait significatif de la bande originale du deuxième volet de la série Black Panther : Wakanda forever (2022). Il communique une telle émotion qu’il en vient même à faire de l’ombre au titre phare de Rihanna Lift Me Up (quand même un peu crié, on est d’accord ?).

Plusieurs ont relié ce titre à un hommage posthume à l’acteur Chadwick Boseman, décédé d’un cancer du côlon en 2020, qui jouait T’Challa dans le premier volet. Dans le deuxième volet de la série, il y a une mise en abîme très réussie : l’acteur disparu est honoré comme son personnage décédé dans la fiction.

Pourtant, le titre Alone de Burna Boy n’appuie pas ce moment du film, mais un autre, pendant lequel le peuple prend de nouvelles résolutions pour mener l’assaut final.

Émotion

La voix de « BB » est extraordinaire. Ce chanteur nigérian propose, outre des rythmes actuels et entrainants, un grain de voix très émotif, teinté de reggae. Très à l’aise dans beaucoup de styles, son flow reste très rythmique.

Dans ce titre au beat plutôt lent, Burna Boy commence avec sa voix grave qui se superpose à une guitare au son assez métallique.

Ce riff de guitare est d’une grande simplicité et accessible aux guitaristes de tous les niveaux (si vous avez une guitare, n’hésitez pas à essayer). Comme quoi il ne faut parfois pas grand chose pour communiquer de l’émotion. La réverbe est omniprésente, On imagine bien une personne seule, dans une grande pièce vide. (c’est le thème de la chanson : la solitude).

L’orchestration vient empiler ces couches progressivement : les percussions, les cordes, puis les chœurs. Le compositeur suédois de musique de films Ludwig Göransson apporte sa patte cinématographique pour terminer le titre sur une sorte de fade out de violons.

Afrobeats

La rythmique afrobeats (pop ou hip-hop à la sauce nigériane) est à distinguer de l’afrobeat (sans s), style musical des années 1970 porté par l’artiste (nigérian lui aussi) Fela Kuti, fait de cuivres, de sonorités jazz et funk. Mais on entend encore bien les couleurs les sonorités africaines dans cette production, ce qui convient bien au film Black Panther qui se déroule sur ce continent. La basse percussive appuie habilement les temps et contre-temps.

Se retrouver seul

Le thème de ce titre est universel : ça fait mal de se retrouver seul. La solitude peut venir de la mort de ses proches (« Because Everything dies », 1ᵉʳ couplet), ou bien de l’abandon de ses amis (« You’ve been pullin’ out knives from your behind », 2ᵉ couplet).

La question se pose crûment : Wetin you go do? Cette expression en pidgin nigérian (créole sur base d’anglais) signifie : « Que vas-tu faire ? »

Que vas-tu faire ?

On trouve quatre façons de réagir à la solitude dans cette chanson « cri du cœur ».

1. Exprimer sa solitude

Dire, c’est déjà cheminer. Exprimer sa souffrance a souvent un effet cathartique. C’est ce que fait le refrain, chanté à plusieurs reprises :

My body don dey tire, eh
E make me madder, eh

Mon corps est épuisé
Et ça me rend triste

Les personnages bibliques n’hésitent pas à faire la même chose ; dans leur épuisement physique et émotionnel, ils n’hésitent pas à le dire. Ainsi, Élie exprime sa plainte :

J’ai déployé mon zèle pour Dieu; car les enfants d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels, et ils ont tué par l’épée tes prophètes; je suis resté, moi seul, et ils cherchent à m’ôter la vie.

— 1 Rois 19:14

Élie est tout seul, et la voix grave de Burna Boy s’accorderait bien à sa complainte. La différence, pour les personnes qui connaissent Dieu : ils savent que quelqu’un les entend !

2. Se réfugier dans les bons souvenirs

Le pont de la chanson propose :

As far as I can see, na the memories
Dem dey carry me from reality
No require visa;

Je remonte aussi loin que je peux dans mes souvenirs
Ils me font échapper à la réalité
Pas de besoin de visa [pour ce voyage]

Problème : nos souvenirs ne sont pas toujours de nature à nous tirer vers le haut ! Ils font parfois partie du problème.

3. « Boire » (ou tout autre équivalent) pour oublier

C’est ce que demande le premier pré-refrain :

Sick and tired of it all, take me far away
Mr DJ, gbemi trabaye

Internet m’apprend le sens du mot argotique trabaye : passer d’un point bas à un point haut. Par extension : get high, ou devenir défoncé en français, par toutes sortes de moyens peu avouables. Ici, c’est le DJ qui est prié d’envoyer des décibels pour faire oublier la solitude.

Tout le monde le sait, ce n’est pas cela qui va nous faire sentir moins seuls sur le long terme.

4. Appeler le ciel

La quatrième piste explorée dans le texte de Alone est un cri vers Dieu, à plusieurs reprises :

Don’t leave me, don’t leave me, oh God

My Holy Father, eh

Give me the strength to keep fightin’ ’Cause I no fit trust anybody
(= donne-moi la force de continuer, car je ne fais plus confiance à personne)

Parmi ces échappatoires, c’est certainement la voix la plus fructueuse. D’autant plus que Dieu nous promet une oreille attentive :

Invoque-moi au jour de la détresse; Je te délivrerai, et tu me glorifieras.

— Psaumes 50:15

J’ai invoqué ton nom, ô Éternel, Du fond de la fosse. Tu as entendu ma voix: Ne ferme pas l’oreille à mes soupirs, à mes cris! Au jour où je t’ai invoqué, tu t’es approché, Tu as dit: Ne crains pas!

— Lamentations de Jérémie 3:55-57

Tu n’es pas seul

La chanson Alone termine avec des chœurs monumentaux. Comme si le soliste, dépouillé et esseulé au début, trouvait le réconfort en fin de chanson. Beaucoup de voix humaines l’accompagnent et font résonner leur cri ensemble :

Don’t leave me alone.

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