Mais pourquoi ?Genesis – Tell Me Why

Dis-moi pourquoi ! C’est cette question que pose le groupe Genesis dans sa ballade rock de début des années 1990. C’est la septième piste de l’album We Can’t Dance (1991) mais exploitée en « single » seulement en 1993 (l’époque permettait un tel décalage, on est à des années-lumières de ce système aujourd’hui !) Elle n’a pas eu d’énorme succès dans les classements de l’époque, mais elle reste une chanson poignante, que nous décortiquons un peu ensemble.

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Note perso : We Can’t Dance était le premier CD en ma possession, que j’ai acquis en 1992 ; cet album a toujours une valeur sentimentale chez moi !

Une douze-cordes omniprésente

Le guitariste historique du groupe britannique, Mike Rutherford, plaque un contrechant tout le long de la chanson, avec sa guitare Rickenbacker à 12 cordes. Une 12-cordes, c’est une guitare avec une sorte d’effet chorus naturel, puisque chacune des six cordes est doublée à l’octave supérieure (hormis les deux cordes plus aigües, si et mi, qui sont à unisson).

Parenthèse vocabulaire : la guitare comporte donc toujours six chœurs, mais chaque chœur comporte deux cordes. Certaines guitares peuvent même avoir des chœurs à trois cordes, comme le tiple colombien !

Pour en revenir au thème contrechant de Rutherford, on entend bien l’octave constante de ses lignes jouées au médiator.

Du rock progressif sauce 80

Pour le reste, ce sont les ingrédients standards du rock progressif qui habillent ce titre, relativement long (presque 5 minutes) : synthétiseurs à nappes, basse carrée. Mais aussi le son batterie à la « Phil Collins », qui sera repris par bien d’autres groupes. Une simple chaine d’effets suffit à grossir le son de tous les futs du batteur : un compresseur avec réverbe, et surtout un noise gate, qui va couper cette réverbe de manière abrupte (Collins explique ici).

Impossible de ne pas mentionner au passage son célébrissime break de batterie qui met cette chaine d’effets en valeur !

La septième devient sixte

Les couplets sont construits sur une harmonisation intéressante, sur base de ré et de do♯ :

Em7      Em6

Cet accord de mi mineur s’agrémente d’une septième (mineure elle aussi) avec le ré (comptez avec moi depuis le mi jusqu’à 7). Et deux temps plus tard, cette 7e devient une sixte (elle, est déjà majeure). Cela forme l’accord nommé « Em6 ». Quand la grille d’accord revient sur la tonalité fondamentale (Bm), ces mêmes deux notes deviennent la tierce mineur et la seconde. Quand on est sur le degré VI, elles sont transformées en quinte et quarte diminuée. Bref, c’est un bel exemple de variation d’intervalles pour colorer une suite d’accords.

Une partition vaut mille mots !

Et plus tard pour le refrain :

Misère du monde

Les mots de Phil Collins résonnent de sa voix puissante mais chargée d’émotions : « Dis-moi pourquoi ? »

Les couplets décrivent la détresse que l’on pouvait observer dans le monde dans les années 1990. Et, devinez quoi, ça n’a guère changé aujourd’hui !

  • la famine : des enfants meurent de faim ; « On a trop de nourriture, mais pas assez pour en économiser » ;
  • la misère dans les rues : « Aucun toit au-dessus de la tête… Dis-moi pourquoi ! »

La classe politique, dans le pont…

En parlant du pont (à partir de 2:25), c’était la mode de faire des ponts un peu « rien à voir », comme bien des titres de Queen par exemple ; on quitte l’harmonie générale, voire même carrément sa rythmique, pour entrer dans autre chose, mais on est subtilement ramené à la chanson à la fin du pont.

Bref, la classe politique n’est pas épargnée (le clip montre quelques responsables internationaux de l’époque) ; il est sous-entendu qu’elle ne fait rien, avec cette belle punchline :

Politicians, they may save themselves
But they won’t save their face

Qu’on pourrait traduire par :

Les politiciens peuvent chercher à sauver leur peau
Mais ils ne se sauveront pas la face

Espoir et mobilisation

Malgré tout, les paroliers de ce titre (le trio Genesis de l’époque, Phil et Mike déjà évoqués, ainsi que Tony Banks) ne sont pas défaitistes, mais appellent à la mobilisation.

Même si certains pensent « qu’il n’y a rien à faire », ils peuvent se laisser encourager par ces paroles des refrains 1 et 3 :

Can you see that shaft of sunlight
Can you see it in my eyes

It’s not too late

Vois-tu ce rayon de soleil dans mes yeux ?

Il n’est pas trop tard !

Et le cri final “Hurry for me, hurry for me”, scandé par les chœurs.

C’est donc un passage du discours (Dis-moi pourquoi) à l’action (Mets-toi en mouvement pour moi). Il est de ces moments où il nous faut passer de la parole aux actes !

Genesis a montré l’exemple : une partie des bénéfices de ce titre a été dédiée à la Croix-Rouge ainsi qu’à l’ONG Save the Children pour les enfants de Bosnie.

S’il y a un Dieu…

Mais repérons encore pour terminer le deuxième refrain :

S’il y a un Dieu, et qu’il regarde,
Pourrait-il nous apporter un peu d’espoir ?
Tant de souffrance, de tristesse,
Dis-moi ce qu’il en voit vraiment.

On dirait que personne n’est à l’écoute.

(Traduction libre)

C’est le cri de chaque être humain devant la souffrance et la détresse : « Dieu, où es-tu ? » ou bien « Dieu, dis-moi pourquoi ? »

Ce poème, que l’on retrouve dans la Bible dans le livre dit des « Lamentations », utilise à peu près le même langage :

Toi, l’Éternel, […] pourquoi nous oublierais-tu pour toujours,
Nous abandonnerais-tu pour de longues années ?

Lamentations 5.19-20

C’est donc une plainte bien légitime. Mais là où les malheurs du monde décourageraient certains à croire que Dieu existe, Dieu vient répondre ! Et ceci, avec une citation biblique à l’intérieur même de notre chanson, à la fin du pont : « Hope against hope ! »

C’est Abraham qui est cité en exemple : il a espéré contre toute espérance ! (Romains 4.18)

Ne désespérons pas devant l’immensité de la souffrance du monde. Mais, comme Abraham, continuons à espérer !

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