Ce tube taillé pour la danse est produit par les musiciens français David Guetta et Joachim Garraud à une époque où la dance-house s’exporte depuis l’Hexagone sous le label (un peu fourre-tout) de French Touch.
Les disc-jockeys derrière leurs platines s’offrent parfois les services d’un chanteur à voix, à une époque où le vocal revient en force (après une vague de musique électronique instrumentale dans la fin des années 1990) : c’est le début du featuring. Ici, c’est le chanteur Chris Willis qui pose sa voix gospel sur ces paroles répétitives (le genre musical se risque rarement à offrir plusieurs couplets).
Chris Willis a été membre d’un groupe de chant chrétien adventiste américain, Heritage Singers (fondé il y a plus de 50 ans), avant de s’en détacher à un certain moment de sa vie (en réflexion notamment sur son orientation sexuelle). Lors d’un voyage en France (notamment en contact avec le boys band français 2Be3), il rencontre David Guetta, avec qui il collaborera sur une douzaine de titres, notamment le tube Love Is Gone.
Une voix bien harmonisée
Les harmonies de ce titre accrochent l’oreille. La tonalité mineure principale installe une ambiance lunaire et presque mélancolique (même si le but est de faire danser les foules).
- Fm (premier degré)
- B♭m (quatrième degré)
- D♭/A♭ (sixième degré renversé)
- C⁴ (cinquième degré, qui donne envie de recommencer sans cesse, et chiffré ⁴, c’est-à-dire non résolu, sans tierce).
Le troisième accord est intéressant et se transforme çà et là et accord diminué (avec la mélodie se dirigeant vers le sol [D♭ − G = quarte augmentée, ou quinte diminuée, vérifiez, c’est pareil]). C’est l’accord pivot de tout le titre qui, selon moi, lui donne toute sa force.
Côté voix, rien à redire, Chris Willis offre une voix bien posée, avec de nombreuses harmonies serrées (pas plus qu’une octave de différence). On lui pardonne même la légère fausseté sur sa première longue tenue (9 secondes). J’ai pensé que l’électronique l’avait aidé à tenir cette note, avant de le voir tenir cette même note en concert pendant 14 secondes.
Bien sûr, les effets vocaux (les delays en stéréo) sont de la partie pour un son final compressé et masterisé pour les pistes de danse.
Four-on-the-floor
Tout ce qui s’apparente à la dance ou la house de l’époque utilise la même recette : 4 coups de grosse caisse, un sur chaque temps de la mesure 4/4. (On n’a donc rien inventé depuis la disco des années 1970.) On peut l’entendre dans toute sa splendeur sur le pont de notre titre à partir de 1’58 (ou 1’27 sur le clip youtube).
Quintolets
On note aussi le contrechant omniprésent (F F D♭ C B♭…), indispensable à ce genre de musique, toujours organisé en « quintolets ». Je mets cela entre guillemets puisque ce ne sont pas de vrais quintolets (avec 5 durées égales), mais on s’en rapproche.
Chaque durée fait 3/4 d’un temps, soit 3 doubles croches. 5 × 3 doubles croches = 15 doubles croches, il n’en reste qu’une pour arriver à 16, soit notre 4/4. Donnez à l’une des 5 notes une durée de 4 doubles croches, et vous avez créé votre tube électro !
(4 × 3) + (1 × 4) = 16
Vous retrouvez ça dans la plupart des musiques électroniques dansantes (seule variable d’ajustement : l’emplacement de la note plus longue parmi les 5).
Les paroles
Pour terminer, jetons un œil sur le texte, et remarquons le principal cri du cœur : Love, Don’t Let Me Go!, qu’on pourrait traduire par « Mon amour, ne me laisse pas tomber ! »
L’explication la plus simple est de voir David Guetta, « éperdument amoureux de sa compagne, [qui] l’implore de ne pas l’abandonner à la suite de tout ce qu’ils ont vécu ensemble. » (source : Wikipédia).
C’est malheureusement ce qui se passera en 2014, où sera prononcé le divorce de David et Cathy Guetta, après une relation de plus de 20 ans.
Je note deux choses dans ce texte.
L’amour est un élément fragile
Pour tous les êtres humains, l’amour est une donnée extrêmement fragile, pour une raison toute simple : on ne peut pas contrôler les êtres que l’on aime. Personne ne peut « forcer » l’amour chez quelqu’un d’autre, et donc encore moins le contrôler.
Et cela, malgré tout ce qu’on peut vivre ou avoir vécu ensemble.
Tu m’as fait danser, tu m’as fait pleurer,
(traduction libre)
Avancer et voler […]
Mon amour, ne m’abandonne pas !
Que ce soit dans une relation de couple ou amicale, nous avons probablement tous vécu des moments où l’amour/amitié devient fragile ; il semble nous filer entre les doigts. Alors même que nous avons vécu dans cette relation des moments très exaltants (que ce soit d’ailleurs danser ou pleurer !).
« L’amour ne se commande pas », dit-on souvent. Tout comme ces amas d’étoiles aléatoires que l’on voit virevolter dans l’espace, dans le clip de la chanson.
L’amour, c’est une personne
Il est frappant de remarquer que la personne interpelée dans la chanson s’appelle tout simplement « Amour ». C’est un vocatif (même s’il n’est pas vraiment rendu en anglais ni en français) qui dit « Toi, l’amour, ne m’abandonne pas ».
Quand nos sentiments sont forts pour l’être aimé, l’amour s’incarne dans cette personne. Elle devient l’Amour personnifié.
Comment ne pas faire le lien avec le fait que « Dieu est amour » ? Il est l’amour en personne. Et sa façon de le montrer a été « d’envoyer son Fils dans le monde » (1 Jean 4.8-9).
Cet amour a marché sur la terre, pour nous illustrer le fait que Dieu, lui, ne va pas nous abandonner ! Son amour à lui n’est pas fragile, mais fort comme cette promesse :
car l’Éternel, ton Dieu, marchera lui-même avec toi, il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas.
Deutéronome 31.6