Björk est pour moi un de ces génies de la musique, foisonnants, hyper créatifs, qui n’hésite pas à faire des expériences avec les notes, les sons, les harmonies, les instruments, les textures. Plus ancrée dans le rock au début de sa carrière, cette artiste reykjavikoise propose à son public des pièces extrêmement variées, sans se cantonner à un genre bien précis.
Certaines de ses chansons vous prennent, sans trop savoir pourquoi. Mais je vais tout de même essayer d’analyser cette chanson, qui représente à mes yeux un sommet de la production de Björk.
Ode à l’amitié
Cette chanson est un hymne. Un hymne consacré à sa terre natale, l’Islande, mais surtout une ode à l’amitié. Une certaine Jóhanna Johannsdóttir, surnommé « Jóga », est la meilleure amie de Björk. Et la large palette d’émotions qui peut se vivre dans une telle relation suscite chez la chanteuse un grand étonnement. Cette phrase du pré-refrain le dit de façon admirable :
Emotional landscapes
They puzzle me
Aussi beaux que les paysages d’Islande (je ne les ai jamais vus, mais ils ornent le clip vidéo, qui au passage ressemble à un TP de première année en effets vidéo), les sentiments d’amitié ne nous laissent pas indifférents. Bien plus, ils nous amènent parfois dans « un état d’urgence », l’emblème du refrain. Ce “state of emergency”, désirable, c’est là où les amis peuvent, doivent nous pousser. La mesure qui clôt cette phrase est même raccourcie par cette urgence (mesure en 1/4) !
L’amitié est un cadeau dont nous ne sommes pas toujours conscients, et nos amis sont là pour nous aider à nous connaitre et à faire sortir le meilleur de nous-mêmes, comme nous le rappelle ce texte co-écrit par le poète islandais Sjón, un ami de Björk.
Des cordes raffinées
Ce n’est pas une surprise, les cordes (avec les percussions, dont on parlera juste après) sont l’élément organique de ce titre, qui lui donnent toute sa splendeur et son intensité. Si bien d’autres éléments d’orchestration peuvent colorer un morceau (sur son album Utopia, par exemple, ce sont les flutes qui sont omniprésentes), les cordes frottées restent sans égal pour remuer les entrailles les plus profondes.
Les couplets sont circonscrits à des accords carrés et pleins, quitte à y entendre des parallélismes bien marqués. Se superposant aux violoncelles et alti, les violons commencent à jour dans le suraigu en exprimant toute l’étendue des « paysages émotionnels » que chante Björk avec la maitrise reconnue de ses cordes vocales.
Sur le refrain, l’ensemble s’envole encore, et les cordes commencent à s’entremêler de manière envoutante et circulaire. Un peu comme dans le fameux Adagio pour cordes de Samuel Barber (1936), dont on a envie qu’il ne s’arrête jamais.
Mais ce n’est pas tout ; Björk sait faire aussi usage des percussions.
Un proto-dubstep
Un ensemble de samples industriels ou plutôt volcaniques (pour l’Islande ça convient mieux), flanquées d’effets distordants vient donner une pulsation discrète à partir du 2ᵉ couplet. Et la reprise du refrain, à 2:00, donne un moment incroyable, avec un drop percussionné à merveille, comme je les aime. Un critique musical avait qualifié ce moment de « proto-dubstep », il en porte en effet quelques codes.
Ces allées et venues entre percussions et cordes nous font voyager à la fois dans les réalités de la vie et au cœur de nos émotions les plus profondes.
Les répercussions qu’a pu avoir l’album Homogenic sont parfois incroyables.
La finale, chantée en islandais (les interprètes varient sur sa signification) nous montre encore l’étendue que peut avoir une amitié. Les cordes ont démarré à la manière « pauvre », et terminent « riches » : comme pour nous rappeler que les relations humaines apportent une richesse à faire valoir dans nos vies.
Un ami toujours là
Qui sont nos vrais amis ? On les définit parfois comme ceux qui sont là quand on en a besoin. Mais le texte de cette chanson nous rappelle qu’ils sont aussi ceux qui nous aident à nous révéler à nos propres yeux. La foi chrétienne invite chacun à devenir l’ami… de Jésus. Il est celui qui révèle à nos cœurs toute l’étendue de l’amour de Dieu, plus large encore que tous les plus beaux paysages d’Islande.
Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai appris de mon Père.
Jean 15.15