Métaphore du train
Ce cri célèbre du refrain (« without love ») n’est pas le titre de la chanson. Ce tube de 1973, célèbre pour son introduction à la guitare rythmique, se nomme Long Train Runnin’ (après avoir été une chanson sans titre, une sorte de jam que le groupe faisait en concert, nous y reviendrons). C’est là d’un plus grands tubes du groupe californien, mené par Tom Johnston et sa moustache en chevron.
On voyage sur les rails d’un train au fil des 4 couplets de ce titre, qui avance au rythme effréné d’un Paris–Lyon sans escale.
L’orchestration fonctionne comme une machine bien huilée, au service d’une musique fondée sur un seul accord, qui ne s’arrête jamais : les wagons ont bonne allure.
- Les deux guitares rythmiques, presque synchronisées (une à gauche, une à droite)
- La basse, dans l’esprit disco des années 70
- La batterie (mixée à gauche)
- Et surtout les percussions (congas, mixés à droite), qui remplissent l’espace ; pas un seul quart de soupir (silence) dans ce titre !
Quelqu’un a même repéré l’avertisseur sonore correspondant à la fin du refrain :

On entend siffler le train à chaque refrain !
Vers la fin du morceau, le convoi fait une halte. Cette brève escale en gare n’est qu’un prétexte pour relancer la locomotive quelques secondes plus tard, pour une coda qui emmènera les rames au-delà de l’horizon : on termine en fade out.
Un « bœuf » qui trouve son sens plus tard
Tom Johnston, compositeur du titre, raconte son histoire. Pendant trois ans, les Doobie Brothers ont interprété ce titre sur scène, et le chanteur y improvisait volontiers des paroles en direct. Sur leur set list, c’était un titre difficile à repérer parce qu’il n’avait pas de titre. Au cours de ses jeunes années, il s’est appelé tour à tour Rosie Pig Mosely ou encore Osborn.
Ce n’est que plus tard, dans les toilettes d’un studio, que le leader du groupe de San José a couché ce texte aux accents ferroviaire.
Les paroles
Il est difficile de repérer un vrai sens aux paroles de ce titre. Comme un conte ou une jolie métaphore, chacun peut y trouver ce qu’il cherche.
On peut y voir, en vrac :
- 1ᵉʳ couplet : la tristesse d’un départ (on voit un train s’en aller, qui ne reviendra jamais) ;
- 2ᵉ couplet : un appel à s’enlever la vie, faute d’espoir (l’histoire de « Miss Lucy » ;
- 3ᵉ couplet : la frénésie de la vie, qui nous pousse à courir toujours derrière un train ;
- 4ᵉ couplet : le destin de l’existence, fait de hauts et de bas, comme ces voies de chemin de fer qui parcourent les plaines et les montagnes.
La place de l’amour
C’est dans les refrains qu’apparait un élément central : l’amour !
Without love
Where would you be now?
Without loveSans l’amour,
Où serais-tu aujourd’hui ?
Sans l’amour…
Ceci se rapproche de bien des thèmes bibliques :
Si je n’ai pas l’amour,
Je ne suis rien 1 Corinthiens 13:2
Mais ici, cela semble plutôt l’amour qu’on reçoit plutôt que celui qu’on donne. Et la Bible lui fait également la part belle tout au long de ses livres. Tous les êtres humains partagent ce besoin fondamental : être aimé !
Le deuxième couplet, déjà mentionné à propos d’une certaine « Miss Lucy » (le chanteur prononce son nom comme Miss Loose, la perdante dans la vie) ne semble pas avoir reçu suffisamment d’amour (peut-être suite à une erreur, une trahison, une infidélité ?)
Elle a perdu sa maison, sa famille,
Elle ne reviendra pas.
Comme le traitre Judas, qui, pris de remords, bien avant que des trains ne circulent dans les campagnes, s’est ôté la vie, faute d’amour. Il n’a pas trouvé le pardon ni la compassion nécessaire pour se reconstruire.
Repensons à ces fois dans notre vie où l’amour nous a aidés à tenir bon. À continuer d’avancer. C’est tout le sens de la coda (finale de la chanson), quand le train reprend de la vitesse :
When the train is movin’ on
I got to keep on movin’Quand le train redémarre,
Je doit continuer le voyage (traduction libre)
Le « klaxon » de refrain nous le rappelle donc tout au long de la chanson : « N’oubliez pas d’aimer ! »
Autres versions
En 1993, le groupe a édité un remix, mais a malheureusement amputé le titre de toute sa section rythmique (les congas sont remplacés par des percussions électroniques sans âme), vous risquez peut-être de tomber dessus sur Youtube.
En 1982, un groupe italien nommé Traks reprend le titre, dans un autre style (le bassiste abuse vraiment du slap).
Une version pop-andalouse est sortie en 1991 par le groupe féminin britannique, Bananarama, accompagné par les Gipsy Kings. Ça s’écoute, mais on est assez loin du train des Doobie Brothers.
Un groupe srilankais dégage une belle énergie lors de la reprise live de cette chanson.