Avant les arbres assassinésPomme – Les séquoias

La chanteuse lyonnaise, primée de deux Victoires de la musique, a proposé fin 2019 un album délicat nommé les failles : « sorte de journal intime sensible qu’elle dévoile avec pudeur et poésie. », selon une critique musicale.

Les séquoias est le 4ᵉ titre de cet album, que la chanteuse décrit comme « un chanson floue ». « Elle parlait juste d’un truc flou, plus ça avançait, plus je me rendais compte que j’avais l’impression de parler la planète et de ce qu’on fait à la planète. Elle est devenue au fur et à mesure dans ma tête une chanson qui parle d’écologie. » Un texte aussi poétique qu’engagé (cité ici) !

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Plonger dans la forêt

D’entrée, nous sommes introduits dans une forêt enchanteresse et mystérieuse par un thème descendant au piano. La rythmique ternaire (en 12/8) ne se perçoit pas immédiatement, mais s’installe avec l’arrivée de la guitare, qui plante les séquoias de part et d’autre de l’allée.

Le débit fragile de Claire Pommet (c’est Pomme) s’inscrit de façon saccadée, presque hésitante, sur ce léger groove ternaire. Mais elle a la voix pour cela (je suis aussi fan de son vibrato).

Mineur-majeur

Une force de cette chanson est qu’elle présente une alternance entre les modes mineur et majeur. Au-delà de l’exercice d’écoute pour reconnaitre de quel mode il s’agit, même une oreille moins entrainée peut repérer le changement d’atmosphère opéré entre chaque section du morceau.

  • introduction : mineur
  • couplet : majeur
  • refrain : mineur
  • couplet : majeur
  • refrain : mineur
  • fin : majeur

En parlant de la question écologique, n’est-ce pas ainsi que l’on pourrait décrire notre rapport à la nature ? Alternance entre élan d’amour pour elle et tristesse de la voir dépérir. Entre ressourcement qu’elle nous apporte et dommages qu’on lui cause. Entre séquoias qui chantent et séquoias qui pleurent (premier et deuxième refrains), et qui finalement se rejoignent dans les mêmes vocalises « aah ».

Le bijou : le refrain

Je suis envouté par les harmonies de ce refrain. Ses deux premières notes sont « ré-mi♭ ». Elles plongent directement la chanson dans le mode mineur. En effet, ce qui différencie un accord de do majeur (do-mi-sol) et de do mineur (do-mi♭-sol), c’est uniquement ce mi♭. C’est donc la mélodie qui plante le nouveau décor en mineur du refrain. Il se produit d’ailleurs exactement l’inverse à la fin du refrain: les deux notes « ré-mi♮ » re-transforment le décor en majeur !

Pour le reste, c’est difficile à expliquer ce qui fait de ce refrain un petit bijou. L’arrangement d’Albin de la Simone y est sans doute pour quelque chose. La combinaison entre les cordes de piano et de guitare acoustique est délicieuse.

Notre rapport à la nature

La nature nous fait du bien, elle nous ressource. Les séquoias sont une manière de représenter la nature tout entière. Elle est haute, solide et impressionnante, comme ces conifères géants. « Marcher dans l’allée des séquoias », c’est s’y réfugier pour communier avec elle, avec tous nos sens.

Quand j’ai marché dans l’allée des séquoias
J’ai respiré en entier pour une fois.

La révélation biblique place aussi l’être humain dans une forte communion avec la nature. Les premiers humains, créés à l’image de Dieu, le sont dans un jardin. L’image n’est pas anodine :

L’Éternel Dieu prit l’Adam, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder.

Genèse 2.15

Au cours de l’histoire, cette belle relation entre « Adam » et « Éden » s’est distordue, suite à l’apparition du mal dans le monde. Éden est devenu soit un dieu, soit une ressource à piller.

La création comme un Dieu

Le premier travers humain a été de vouloir sans cesse déifier la nature (dans le polythéisme antique, dans le panthéisme d’aujourd’hui, etc.)

C’est ce qu’un vers de Pomme (sans jeu de mot) indique :

[J’ai] envoyé deux mille prières au vent
Pour nous sauver de toutes les peines d’avant.

La création a-t-elle des oreilles pour entendre ces prières ? Malheureusement non. Cette volonté de diviniser la création est décrite comme la conséquence du mal :

[Ils] ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur !

Romains 1.25

C’est le Créateur qui entend les prières, ne nous trompons pas d’adresse.

La création comme une ressource à piller

Le deuxième travers humain a été de vouloir s’accaparer la planète pour ses propres besoins. Et c’est là qu’aujourd’hui, beaucoup chantent et pleurent (en mode mineur) pour s’alarmer de ces abus.

Avec l’anaphore « Avant » (qui débute plusieurs phrases des couplets), l’auteure indique que tout n’est pas perdu. Cela redonne la possibilité de recréer du lien avec cette nature (merci à cette analyse).

Avant la rivière asséchée
Avant que tout soit emporté

Avant les arbres assassinés
Avant que tout soit emporté

Que Dieu pardonne à tous ceux (dont je fais partie) qui précipitent le déclin de la nature, au lieu d’en prendre soin comme ils leur était demandé !

Dieu entend nos prière

À la fin de la chanson, le bruit du vent emporte au loin ces prières… C’est beau, mais le chrétien sait que ses prières ne sont ni adressées à du vent, ni emportées par le vent. Mais elles sont recueillies par le Créateur, qui nous a offert ce monde magnifique.

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