Une maman pour mes bobosAlain Souchon – Allô maman bobo

« La mélancolie, moi, j’en fais des chansons. » Le chanteur franco-suisse, qui a fêté ses 80 printemps en 2024, a écrit des dizaines de tubes dès les années 1970. Il a formé pendant longtemps la paire avec Laurent Voulzy : Souchon aux textes, Voulzy à la musique, à chacun son point fort. Allô maman bobo est un fruit de ce duo productif, et a été le titre le plus diffusé en radio au printemps 1978.

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Fragile et mal à l’aise

Celui qui sera le président d’honneur des Victoires de la Musique 2025 (lui qui en a remporté déjà 10 !) livre sa fragilité et sa faiblesse, qui ont touché le cœur des Français. C’est tout sauf une chanson macho !

En guise d’illustration, on peut voir un générique télévisuel de 1980 où, symboliquement, les autres stars invitées de l’émission se mettent à chanter par dessus sa chanson, quitte même à faire écran et laisser Souchon seul derrière.

Il se décrit (avec de petits airs de Bourvil !) au travers de trois couplets (le quatrième est une reprise du premier) comme un garçon timide, solitaire pas très scolaire, et rêveur.

Dans ma tête y’a pas d’affaire
Dans ma tête y’a rien à faire

Essayant le milieu de la fête (couplet 2), il ne s’y trouvera pas bien non plus. Il se voit plutôt comme un rêveur, navigateur solitaire ou en héros clown.

Chaque couplet décrit un malêtre, celui de ne pas être à sa place :

J’suis mal en campagne et mal en ville
J’suis mal à la scène et mal en ville
J’suis mal en homme dur et mal en p’tit cœur

J’suis pas beau

C’est le très connu refrain qui vient tenter de chercher une raison à ce malaise avec ce cri déchirant « J’suis pas beau ! »

En prenant en compte l’ensemble de la chanson (toujours utile d’interpréter dans un contexte !), on ne peut pas restreindre ce constat à la seule beauté physique. C’est toute la gêne d’être différent, pas vraiment heureux dans les situations dans lesquels nous sommes attendus.

Comment grandir, vivre avec ce sentiment de ne pas être suffisamment beau, suffisamment bien, apprécié, acceptable ? C’est très souvent beaucoup plus qu’un petit « bobo » qui passe vite ! Le parolier a trouvé un bel euphémisme pour décrire le malêtre profond qui peut animer une personne.

Maman !

Vers qui se tourner ? Vers Maman. Cet appel est touchant !

La genèse de cette chanson part d’un accident de ski, alors qu’Alain Souchon avait 27 ans. Secouru par son frère, guide de montagne, il apprend qu’au moment de sa chute dans la neige, il a crié « Maman ! »

Quand on a peur, on appelle Maman ! On est tous un peu encore des enfants qui avons besoin de notre maman.

Crier « Maman » n’avait pas beaucoup de sens, mais cette espèce d’instinct m’a fasciné. Et la chanson est venue comme ça : « Allô maman bobo ». Les hommes sont marqués par leur mère, et c’est beau, qu’instinctivement, d’une manière nerveuse, même à 60 ans, on puisse dire : « Maman, maman ». C’est bouleversant.

Cité dans https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-monde-d-elodie/alain-souchon-raconte-la-genese-de-allo-maman-bobo-et-de-le-bagad-de-lann-bihoue_4880137.html

Trouver un coupable

Le texte possède toutefois un soupçon d’accusation envers cette maman, que pourtant Alain respectait profondément :

Maman, comment tu m’as fait ?
J’suis pas beau !

Il est humain et normal de rechercher des coupables pour tout ce qui nous arrive de mal. Accuser ses parents, une personne malsaine, la société, les circonstances, ou tout simplement… Dieu.

La Bible laisse la porte ouverte à la plainte contre lui. Si on se sent délaissé de Dieu, on a le droit de lui dire ! Mais l’accuser, c’est aller trop loin. C’est dire que Dieu s’est trompé. Qu’il a fait une erreur en nous donnant la vie, en nous amenant là où nous en sommes.

Moïse, avant de mourir, a adressé ces paroles au peuple qu’il avait conduit dans le désert, avec la fâcheuse tendance de régulièrement se plaindre :

Dieu est le rocher; ses œuvres sont parfaites,
Car toutes ses voies sont justes;
C’est un Dieu fidèle et sans mal,
(…)
Est-ce l’Eternel que vous en rendrez responsable,
Peuple insensé et dépourvu de sagesse ?
N’est-il pas ton père, ton créateur ?
N’est-ce pas lui qui t’a formé, et qui t’a affermi ?

Deutéronome 32:4,6

Sachons avancer avec reconnaissance dans la vie, quelles que soient nos capacités, notre joliesse. À la suite de Jésus, celui « qui n’attirait pas les regards », le chrétien sait qu’il trouve sa splendeur dans les yeux de Dieu.

Quelques mots sur la musique

L’orchestration reflète la simplicité de la chanson. La guitare est au centre, avec des décorations feutrées autour.

Des guitares « hawaïennes » viennent évoquer les cris, timides mais réels. L’effet est obtenu avec un tube en fer (slide ou steel bar), qui permet de glisser sur les cordes, au lieu d’appuyer avec le doigt sur le manche.

Un léger basse-batterie sans prétention vient porter le tout. Des chœurs féminins rappellent la douceur d’une maman. Ils s’intensifient au gré de la chanson, comme si les bras de Maman venaient toujours plus réconforter l’âme en peine.

La mélodie de Laurent Voulzy n’est pas facile à chanter ; il suffit d’écouter les nombreuses reprises, plus ou moins réussies, pour remarquer la complexité de cette mélodie. Une reprise qui sortirait du lot serait celle d’Elliot Maginot et son ami saxophoniste.

De nombreuses inspirations futures

Cette chanson a marqué les esprits, aussi en musique, puisque l’expression est très connue. Du rap au zouk, en passant par la drill ou même la parodie (signalons la trouvaille « Allô Maman, j’suis un bobo » de Benjamin Siksou), il existe des dizaines de reprises de cette chanson, ou au moins de son refrain.

Merci à toutes les mamans d’être là pour leurs enfants, et de les aider à soigner leurs bobos à tous les âges.

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