Le code à craquerNemo – The Code

Difficile d’échapper en Suisse à la victoire remportée le 11 mai 2024 par le chanteur Nemo au concours Eurovision de la chanson. Après Céline Dion, ayant rapporté la palme en 1988 pour le même pays, l’artiste originaire de Bienne a récolté les faveurs du jury et du public lors de la finale avec sa chanson The Code.

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Franchement, c’est mérité. La chanson est à l’intersection de beaucoup de genres musicaux, et interprétée avec charisme et justesse. La voix de Nemo, son sourire et son aisance sur la scène de Malmö (et sa toupie géante) donnent une belle résonance à ce titre chanté en anglais (on peut aujourd’hui chanter dans la langue que l’on souhaite à l’Eurovision, ce qui n’a pas toujours été le cas).

Croisée des genres

C’est une chanson où on ne s’ennuie pas un instant. L’arrangeur prend plaisir à mêler opéra, rock symphonique et rap sur fond rythmique de drum and bass. C’est un beat rapide (The Code est à environ 164 bpm) qui fournit une base rythmique un peu oppressante mais très énergique, sur la base de ce qu’on appelle l’Amen Break.

Un clin d’œil à La Flute enchantée de Mozart et son Air de la Reine de la Nuit est même proposé dans l’introduction, avec son célèbre do-do-do-do-do-do-do-do-faaaa.

L’alternance entre moments down (piano voix) et moments up (orchestre complet) sait reposer les oreilles quand il faut, et envoyer avec puissance le moment venu. J’aime particulière ces montées progressives dans les pré-refrains (entrecoupées de halètements).

Une voix polyvalente

La voix de Nemo, entre Mika, Freddy Mercury et Asaf Avidan, se révèle d’un grand lyrisme. Ce gars-là pourrait chanter aussi bien du métal symphonique, que de la pop ou du classique. Il livre même un couplet de rap avec un flow à la Eminem, convaincant.

Nemo sait jouer habilement avec sa voix de tête et sa voix pleine. Il fait les bons choix pour varier, là aussi, les énergies et les ambiances en plaçant sa voix comme il le faut.

Un gimmick (mini-thème qui reste dans la tête) qui revient plusieurs fois : wo-a-ah. Cette technique fonctionne bien pour nous faire mémoriser des chansons ou des thèmes musicaux : par exemple, beaucoup de commentateurs annonçant la victoire du Suisse ont repris ce gimmick lors de leur annonce.

Fluidité des genres

Ces genres musicaux mêlés sont une métaphore pour le thème de la chanson : la non-binarité ou fluidité des genres sexuels.

Somewhere between the Os and 1s
That’s where I found my kingdom come

Quelque part entre les zéros et les uns
C’est là que j’ai trouvé mon paradis

(Traduction libre)

Le chanteur Nemo (je choisis de parler de lui au masculin dans cet article) se revendique « non-binaire », refusant de choisir entre masculin et féminin. Il a même introduit en douce le drapeau de cette revendication pour pouvoir l’exhiber le moment venu lors de la finale. Les paroles de The Code sont le récit de la quête de l’artiste pour trouver sa véritable identité (« This story is my truth »). Le clip officiel, dans un train (en Suisse les CFF c’est pas rien), illustre cette quête d’identité laborieuse.

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Casser le code

Au travers de l’expression « I broke the code » [J’ai cassé le code], l’artiste de 24 ans parle de son combat pour sortir des repères habituels, et cela lui a pris du temps (« comme des ammonites », des fossiles qui mettent des millions d’années à se façonner).

Ladite expression prend plusieurs sens, tous valables en anglais :

  • J’ai cassé le code binaire (le code informatique, ce sont des zéros et des uns), en mettant en avant la non-binarité.
  • J’ai cassé (ou battu, ou dépassé) le code de la société, qui répartit les personnes en hommes et en femmes.
  • J’ai décrypté le code secret, comme si une vérité nouvelle avait été mise à jour.

À la recherche du paradis

Cette poursuite du bonheur, pour le chanteur né en Suisse romande, si l’on en croit le texte de The Code, n’a pas été de tout repos. Il a trouvé son paradis (en opposition à un passage par l’« enfer ») dans sa nouvelle identité. Il en parle en des termes quasi religieux.

Cette quête du paradis-bonheur est très représentative de notre époque : c’est en nous-mêmes que nous recherchons notre Kingdom come (mots bibliques issus de la prière du Notre Père, employés par le chanteur pour évoquer le but atteint, qui fait vibrer son cœur).

L’être humain du 21ᵉ siècle préfère trouver l’objectif de sa vie dans une identité qu’il souhaite lui-même choisir, quitte à refuser ce qui est nous est donné par la vie (ou par le créateur, si on est croyant). On préfère l’autonymie (se nommer soi-même) à l’exonymie (être nommé par quelqu’un d’autre).

Le vrai bonheur, je le crois, se rencontre dans ce qui vient d’ailleurs, dans ce qui est révélé par un autre que nous. C’est une grâce reçue plutôt que produite. Un bonheur à adopter plutôt qu’à décider.

Le fait de vouloir sans cesse se définir soi-même nous fait tourner en rond… à l’image de la toupie géante sur laquelle Nemo a livré sa prestation en Suède.

Le paradis ne se trouve pas quelque part entre les zéros et les uns, mais au-delà des zéros et des uns ! Dans une dimension spirituelle sur laquelle Dieu règne. Dans un royaume qui transcende notre identité propre. Dans une vie nouvelle qui fait de nous des enfants de Dieu. Dans un amour bien plus grand que celui que nous trouvons sur terre.

Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes. Si le monde ne nous connaît pas, c’est qu’il ne l’a pas connu.

1 Jean 3.1

Merci Nemo pour cette belle chanson, en te souhaitant de trouver le paradis dans cette autre dimension !

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