Le titre de cette chanson, The Sharpest Lives, est déjà un bijou. Ce qui est sharp (= tranchant, aiguisé), ce sont les knives, supplée par son paronyme lives. Et une sharp life, c’est une vie intense, une vie à 100 à l’heure, une vie dangereuse peu soucieuse des excès. Une vie sur le fil.
C’est tout pour l’anglais. Mais il y a bien d’autres choses à commenter sur ce titre. La formation My Chemical Romance, de style emo (ou bien pop-punk, ou post-hardcore… on se perd tellement dans les sous-sous-branches du rock) a vu le jour sous l’impulsion de Gerard Way, bouleversé au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
Gerard Way est une sorte de David Bowie dans les années 2000. Il est aussi connu pour être l’auteur de la bande dessinée The Umbrella Academy, adaptée en série télévisée en 2019.
The Sharpest Lives raconte lui aussi une histoire ; il fait partie d’un album concept, nommé The Black Parade : les 17 titres de cette œuvre forment un tout, et chaque chanson est incluse dans une trame générale. Ici, c’est l’histoire d’un patient, déclaré mort d’un cancer, qui voit sa vie défiler devant ses yeux.
Cet album figure parmi les 500 plus grands albums de tous les temps du magazine Rolling Stone.
L’alcool, ce compagnon attirant mais décevant
Le titre illustre le désespoir que l’on peut vivre en cherchant refuge dans l’alcool. Cette substance qui « pleut et se répand » dans bien des lieux dans notre monde représente bien plus qu’un compagnon de soirée : ce « poison qu’on aime » (1ᵉʳ couplet) nous laisse pourtant tout seul. Cet état d’ébriété est décrit sous la forme de plusieurs métaphores :
- Il nous abime et nous laisse dans la léthargie, l’inaction (« une bête au repos »).
- Il est comme un vampire, qui se plait la nuit, mais qui craint le lever du soleil.
- Il nous conduit à un état animal, qui libère notre côté le plus sombre.
D’apparence lumineuse, la recherche du bonheur dans l’alcool festif conduit finalement au désespoir.
If it looks like I’m laughing,
I’m really just askin’ to leaveOn dirait que je rigole
En fait je ne demande qu’à m’en aller
Le premier couplet, pour illustrer ce mal, place en arrière-plan sonore des voix « démoniaques ». Oui, l’alcool peut conduire à une profonde détresse. L’auteur du texte avoue avoir lutté lui aussi contre ce démon.
Un shot pour se souvenir
La métrique du refrain est parfaitement construite. Elle est régulière, 8-11-8-11, le tout 4 fois.
Début du refrainGive me a shot to re- MEM-BER (6+2 = 8) And you can take all the PAIN A-WAY FROM ME (6+5 = 11)
Le travail sur le texte est utile, chaque syllabe, bien à sa place, participe à l’énergie du titre.
Le début du refrain présente un magnifique oxymore :
Give me a shot to remember
Donne-moi une dose [un verre] pour me souvenir
Alors que précisément, on prend un verre pour essayer d’oublier ! Il y a dans ce texte quelque chose d’une conscientisation des ravages que peut causer l’alcoolisme, festif ou même régulier.
Des guitares soignées
La guitare (presque synthétique tellement elle est percussive) ouvre les 3’20 du morceau en installant une atmosphère pesante. On dirait presque un disque rayé qui ne trouve plus la sortie. Et on la retrouve à la toute fin, sombrant vers un néant angoissant.
Régulièrement, de petites réponses à la guitare électrique apparaissent, soit à droite, soit à gauche (il vous faut la stéréo pour profiter de ce titre).
Le pré-refrain encadre parfaitement le texte (qui parle de beuveries et du gout de mort qu’elles peuvent laisser), avec sa guitare « pliée » par le vibrato (accessoire imaginé par Leo Fender sur sa Stratocaster en 1956).
Et enfin, le refrain, que je trouve particulièrement accrocheur, avec ses paroles en levée (= qui commencent avant la mesure).
Give me a shot to re- | mem-ber
(Promis, c’est la dernière fois que je cite cette phrase.)
Les guitares se font suppliantes dans le pont instrumental (calé entre deux refrains) avec quelques passages un peu plus techniques, pour le plaisir des as du manche.
Sobriété
La Bible connait bien les dangers associés à l’alcool. Plusieurs récits mettent en scène la perte de repère totale quand on s’y adonne. Et ce n’est jamais pour le bien.
Ainsi cette parole du prophète Ésaïe à l’encontre du peuple de Dieu :
Malheur à ceux qui de bon matin
Ésaïe 5.11
Courent après les boissons enivrantes,
Et qui bien avant dans la nuit
Sont échauffés par le vin!
Pourquoi le malheur ? Parce qu’ils ne sont plus en état de considérer ce que fait Dieu pour eux. Et cela conduit à toutes sortes de malheurs, dont nous connaissons de tristes réalités aujourd’hui.
Il existe une autre « ivresse » bien plus fructueuse, tournée, elle, vers le Seigneur :
Ne vous enivrez pas de vin: c’est de la débauche.
Éphésiens 5.18
Soyez, au contraire, remplis de l’Esprit !